Histoire d’amour et de vie.
Pourquoi cette histoire-là plutôt qu’une autre ??
Mon salon – 24 nov 06
Note de l’auteur : En effet, pourquoi une histoire d’hôpital ? Ben, je vous dirais bien que l’hôpital est surtout un support à une belle histoire d’amour. Pis même, je ne dirais pas que c’est l’amour qui drive toutes les actions, mais il est présent partout. D’abord et avant tout, j’ai voulu noter les faits pour que Junior lui-même sache ce qui était arrivé. En écrivant bien entendu, j’ai commencé à m’amuser et à vouloir en faire un truc cool, alors voilà le résultat.
Finalement je me suis éclaté un max en rédigeant ça. J’espère que vous aurez aussi du fun à lire.
À vous de voir…
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Nous sommes le 09 juillet 2006. L’été est là, avancé même, et je n’ai toujours rien couché sur papier…
Ma fête était il y a six semaines, au mois de mai. Il se trouve que j’ai eu un anniversaire plutôt marquant cette année. J’y ai vécu des émotions très intenses, et le fait de les coucher sur papier en racontant l’histoire me fera juste du bien. J’ai beaucoup traîné avant de prendre ces notes, mais elles sont essentielles…
Non, en fait je vous bullshit. Chaque jours ce truc me ronge, me cri l’urgence de prendre des notes, de marquer le souvenir de l’émotion avant qu’il ne s’estompe ou s’évapore dans la fumée bleue qui m’entoure…
Mais pourquoi noter ?! Quel est donc ce besoin si criant ? Y’a quoi à écrire en fait ???
Vous le savez, mes souvenirs me sont prêtés, mon présent ne fait que passer. D’où l’envie de noter, de marquer mon passage. Je pourrai ainsi me ramener à moi-même en cas de besoin. Parfois, y’a un mur très haut qui s’élève, me barrant la vue à la beauté des émotions, et cette histoire-ci est comme une carte postale à moi-même, pour plus tard. Une carte qui présente un beau moment de vie.
Il faut savoir d’abord que ma meilleure amie Mélanie et moi n’étions revenu d’Europe que deux jours avant, soit le 19 mai, et que on a fait une petite rencontre le dimanche soir 21 mai. J’avais convié quelque amis au resto DeeLite, très beau petit espace avec tables de mixing et bon sound système. On a fait là notre party de soirée avant de poursuivre ça au Stereo, puisque week-end de la fête de la reine, congé le lundi. C’est pas ça l’histoire.
On a eu une bonne soirée en général, outre que mon mec Junior ne feelait pas trop. On a chacun consommé une snowball, et si pour moi cela s’est avéré positif, pour lui ce fut l’inverse. Tout au cours de la nuit, il n’a pas beaucoup dansé, Mélanie en a pris soin de façon extraordinaire. Elle fut là pour lui à tout instant. En fait je ne crois pas avoir réalisé sur le moment à quel point Junior allait mal. Je savais juste qu’il préférait rester assis. Merci Mélanie, comme toujours. C’est pas ça non plus l’histoire.
On a fait notre nuit, mais assez tôt au matin nous avons quitté. Tiens, un détail qui me reviens en tête, Louis-Phillip Poisson était là aussi. Il m’a fait le plaisir de venir nous joindre au resto dans la soirée, et de là je crois qu’il était venu avec nous au Stereo, mais je n’en suis pas sûr. Ma seule certitude avec lui, c’est qu’il était ici au matin, lors de notre retour.
Comme d’habitude, quand on reviens, je prend soin de mon monde. Alors j’ai sorti les petites pilules, les ibuprofen, vitamines et autres re-constructeur de cerveau. Comme toujours j’ai distribué sans limite, sans réfléchir et à tout le monde présent mes petits mix de comprimé : en général, il s’agit d’au moins 1 advil, anti douleur et anti-inflamatoire, 1 vitamine C, et là j’avais du Milpertuis, qui se trouve être l’équivalent du 5HT-P et qui aide à la production de sérotonine. Donc on prend tous nos cossins, je prépare des milshake extraordinaire comme toujours, avec bananes, œufs, protéines, fruits, yogourt, lait de soya et crème glacée. Très savoureux et si bon pour le corps…
Après avoir pris ceci et les douches, je met tout le monde dehors sur ma galerie car j’avais une furieuse et irrépressible envie de mon chum que j’aime tant. Vous ne le connaissez pas encore vraiment, puisque je n’en ai pas parlé tant que ça, puisque je n’écris plus en fait, tout simplement, mais déjà sachez qu’il est l’homme que j’aime actuellement.
En fait, Junior est le prince par excellence que je cherche depuis toujours.
Que je cherche ??
Non… plutôt que j’attends, que je sais pour moi.
Même s’il n’était point ici prévu de discourir sur mon mec, j’ai à noter certains trucs, ne serait-ce que pour moi, dans vingt-cinq ans, comme toujours.
Qui est-il en fait ce mec, surgit d’une nuit au Parking Night Club de septembre 2005 ? Moi qui ne voulait rencontrer personne, qui ne voulais pas de chum / d’attache affective / d’entrave à ma liberté, je l’ai approché avec comme simple idée un échange sexuel. Quoi que je l’eût trouvé particulièrement sexy et audacieux, avec ses cheveux étirés droit six pouces au dessus de la tête. Très différent pour un noir.
Disons que ça a commencé là, et que on s’est revu deux, trois fois, cinq fois… Au début je lui avais laissé mes coord, sans jamais croire qu’il ne me redonnerait de nouvelles, sans réellement vouloir non plus me faire chier à entretenir une relation. Je crois même me souvenir que c’est lui qui a repris contact par e-mail la première fois, mais que je ne lui ai pas redonné de nouvelles, car d’autres chats à fouetter.
Tsé, c’était quand même complexe à envisager : le gars ne parle que anglais, alors qu’on sait que le miens est très sommaire, il habite Ottawa, donc ne peut par extension constituer une baise solide et régulière, sinon quand il vient à Mtl. J’avais pas vraiment envie de me faire chier, comme toujours.
Mais là comme il était quand même sympathique et très easy la shot (expression de Mélamine), me facilitant la chose pour communiquer et y allant ben mollow et en essayant vraiment de comprendre ce que je disais, c’était moins chiant. Amusant même ! Cela m’a peut-être pris un mois avant de le rappeler, mais après on a commencé à se voir plus régulièrement, même si je continuais à sortir et à me pogner des mecs de mon bord, toujours et surtout sans vouloir de chum. C’est au temps de noël que nous avons décidé de nous voir pour le 1e janvier 06, d’aller ensemble à un party.
Et c’est là que je suis tombé en amour avec lui. En fait c’est au cours de ce week-end que j’ai accepté de voir différemment mon avenir, et d’envisager que je pourrais peut-être lui offrir que l’on fasse un bout ensemble. Jusque là il n’avait été question que d’être amant, et il était clair que je ne voulais pas de chum, pas d’attache, mais là je lui ai partagé qu’il me faisait sentir très bien, et que j’aimerais bien poursuivre ça si ça lui tentais. Et il a accepté.
Depuis ce temps, j’ai vécu toutes sortes d’émotions, de déchirements, de questionnements et de doutes, mais tout se fait dans l’ouverture et surtout, très doucement, ce qui nous donne le temps à chacun je crois, d’assimiler la matière avant la prochaine étape, sans rien brusquer.
Bon, mettons que je pars (déjà?) sur une petite dérape qui a rien à voir avec l’histoire…
Vous savez, on dit souvent « loin des yeux loin du cœur » et malheureusement, cet adage trouve écho dans la réalité. Peu importe le niveau d’implication relationnel puissions-nous avoir avec une autre personne, lorsque ce lien n’est pas nourri, entretenu, il en restera au niveau contextuel et ponctuel. C’est-à-dire qu’il se vérifie dans une situation donnée, sur une période de temps donné. Ce n’est pas par exemple comme un lien filial qui défie le temps, peu importe ce qui se passe. Même si l’on peu renier l’éducation, l’on ne peu renier la filiation.
Dans les débuts d’une relation, d’amitié, de travail ou bien émotionnelle, le vecteur d’union, de partage d’interactions sera souvent relié à une activité sociale commune, à la connaissance d’une tierce personne ou à l’implication dans un projet X. Au fil du temps, par delà les rôles formels se créent des liens interpersonnels entre les individus, faisant évoluer les relations dites formelles vers une dynamique plus implicante, dites émotionnelles. Qu’il s’agisse d’une amitié qui se développe, d’un motus opérandi entre deux positions formelles au boulot ou bien d’attraction physique, il n’est d’autre choix pour la matrice réactionnelle que sont nos êtres que d’émettre des modifications dans son avancée. C’est-à-dire que peu importe ce qui nous arrive, même si nous voulions l’ignorer, nous ne pouvons faire autrement que de réagir, que de nous adapter ou bien d’être affecté par les événements. En conséquence, notre exposition à ces stimulus génère une réponse comportementale, qui résulte d’un apprentissage global de la vie.
Pour revenir à mon point de « loin des yeux… », et bien c’était que cet état des choses, quand tu vis ça, implique que tu vivra des doutes. Le fait de ne pas avoir l’être qui occupe la place de l’être aimé à ses côtés fait que on se dit que il y a quelqu’un dans ce trou, qu’il est comblé, mais pas occupé. Donc on cherche, même inconsciemment je crois, à le combler.
Cependant, toute la douceur, la sensualité, la délicatesse, l’amour et le don qu’il y a dans le réel partage d’énergie entre mon homme et moi est de loin plus attirant que n’importe laquelle des baises gratos, même excellentes, que j’ai pu faire dans mes dernières années.
Tsé, des fois, pour moi, faire l’amour à, ou avec mon homme est plus que de juste faire l’amour, c’est aussi une façon pour moi de célébrer cet extraordinaire cadeau que m’a fait La Vie™ en la personne de Junior Hernandez. Par grand bonheur, j’avais une fois dans ma vie connu l’amour avec Eric Gagnon. Un bel amour qui fut constructif, et qui dure toujours à sa façon. Et là, pour une deuxième fois, j’ai la chance que l’on m’offre de vivre encore l’amour, avec un être pur, absolument sans malice et plein de potentiel.
Junior est mon roi, mon prince, (quin, tant être fif, on va l’être jusqu’au bout !) il est mon chevalier sur un grand cheval blanc qui arrive pour me conduire avec lui vers la découverte. J’ai décidé que je me laissais aller avec Junior. Il est mon mec, mon amour absolu. Je suis attiré par lui de façon totale et complète. Son corps me subjugue (désolé, mais là chu complètement bandé), j’aime son odeur, le goût de sa peau, la façon dont on a de se prendre dans nos bras, j’aime mordre son épaule musclée, j’aime j’adore faire l’amour avec lui. Chaque fois est mémorable et extasiante, plus érotique et satisfaisante que la précédente. Je le trouve beau les cheveux longs, courts, rouge, blanc, lisse, frisé, ras, avec les yeux bleux ou noirs ou rouges, j’aime le regarder dormir ou l’admirer danser, ce qu’il est beau ce qu’il est beau mon prince noir… Junior a un corps parfait, il est construit tel une voiture de haut rang, la fine pointe, l’équilibre, la délicatesse derrière une grande force, toute camouflée et en douceur.
On dirait parfois qu’il sort de nulle par. C’est comme ça que je l’ai rencontré, issus d’une nuit anonyme, c’est comme ça que j’ai l’impression qu’il existe parfois. Autant il peut ne pas savoir faire du jus en canne, autant il fait brûler mes mitaines de four, par distraction, ignorance ou syndrome de la blonde, autant il me fait rire et me transcende avec ça. Mon défi est de l’aider à apprendre ces aspects de la vie sans qu’il ne se sente gaga.
Somme toute, je crois que l’on s’en sort bien. Et c’est rigolo, parce que il est l’un des meilleurs coiffeurs en ville à Ottawa. Il est un être très talentueux, dans n’importe quoi. Il nous a fait des pantalons pour aller danser au bal en blanc, de ses mains. Il peut faire n’importe quoi, mais manque un peu de confiance en lui. Il est extraordinaire, et c’est ensemble que nous sommes les plus beaux, avec lui, moi aussi je peux faire n’importe quoi je pense. Il est tellement cool et relax, et pas compliqué. C’est ça qui est si génial : jamais compliqué. C’est moi plus qu’autre chose qui complique nos vies…
Et vous savez quoi… j’ai failli perdre tout ça. Tout ceci dont je ne voulais pas il y a quelque mois encore, et dont je ne verrais pas ma vie sans l’avoir connu aujourd’hui.
Voilà, vous avez été assez patient
Voici maintenant comment j’ai failli perdre tout ça…
(Bon enfin esti !!
C’était le temps que ça commence sa câlisse d’histoire…)
Dans l’histoire du début, j’en étais à avoir mis tout le monde dehors pour faire du sexe avec mon chum. Un petit 15 minutes qu’on se disait …
Ce fut un excellent (wow!) 20 minutes, très satisfaisant. Après ça on redouche, je m’habille, embrasse mon homme et retourne dehors fumer une top et signaler ainsi qu’ils peuvent aller aux toilettes si besoin, on a feni.
Junior était sensé venir me joindre dehors après sa douche. Passe le temps d’une cigarette, Mélan rentre en dedans, moi je ne m’inquiète pas. Souvent quand il est fatigué, Juny se couche de lui-même. Mélan ressort en riant « pauvre Junior, après avoir passé la nuit à aller mal, là il a un œil enflé !! »
« Bon! » que j’me dis « encore une niaiserie de faiblesse… »
Parce qu’il faut savoir que Junior est plutôt délicat. Je parlais d’une belle mécanique plus tôt, et c’est le cas. Mais une mécanique très fragile. Performante mais fragile. Le moindre désajustement peut faire craper la machine au complet. Un repas sauté, une nuit débalancée, et hop !
C’est pourquoi je ne me suis pas inquiété lorsque Mélan est ressorti en disant qu’il avait un œil d’enflé. J’ai terminé ma cigarette et suis allé voir moi-même. Il était couché sur le ventre, la tête dans l’oreiller, une débarbouillette sur l’œil.
« hey baby, what’s up ? »
« Huuummmm… I don’t feel gooood ! »
Il se tourne, enlève la débarbouillette et je vois son œil droit complètement tuméfié. Avec le gauche qui commence à enfler. WOOW! Que j’me dis, c’est pas mal gros ça. On va appeler urgence santé chpense…
Réussis à les avoir au téléphone. Pendant ce temps, Louis-Phillip, que je n’ai pas vu depuis des lustres est sur ma galerie, avec Mélan. Mais là, ben dommage, on a d’autres priorités. La dame du bout du fil me dit de me rendre immédiatement à l’urgence la plus proche de che nous, car les CLSC ne sont pas ouverts, on est le jour de la fête de la reine, 22 mai 06. Le Lou et Mélan rentrent dans l’appart, je suis en train de préparer Junior, qui commence à se sentir mal vraiment, pour partir pour l’hôpital. J’avise mes invités de rester confo, moi faut qu’j’y aille.
Embarque dans l’char, il a toujours sa débarbouillette sur l’œil, je l’ai aidé à descendre les marches et à s’asseoir dans l’auto. Je pars sans perdre un instant. Il ne va pas bien, des larmes coulent de ses yeux. Cela me touche. Il est fragile mon Juny, c’est vrai, mais je ne veux pas le voir dans cet état. Il pleure sur son état, et est inquiet de perdre son œil. J’essaie de le rassurer, je lui touche le bras et lui dit que cela ira bien. Je roule vite, brûle des rouges, me dirige instinctivement vers l’ouest, vers Notre-Dame, alors que j’aurais pu/du me rendre à Maisonneuve-Rosemont. Roule roule, arrive par sherbrooke à l’hôpital, me stationne en avant. Sauf que ça marche pas, que j’me dis. Il manque de stress ici, chu pas dans l’urgence, merde ! Mais là, on est débarqué, on cherche. Je demande à la première personne que je rencontre par où est l’urgence, par ici, par là, marchez tout droit, à gauche à droite, descendez, à gauche putain ta gueule c’est trop long!! On y va. Junior me tiens, je tiens Junior, mon ton est calme, je lui parle et explique que tout ira bien, qu’on est rendu et que ça ne peut désormais qu’aller mieux. Putain d’hôpitaux de merde, je déteste les hôpitaux. Tout est propre, toujours avec des esti de couleurs pastels. Les murs sont vert menthe pastel. Ça doit être pour aller avec les jaquettes bleu. Pis esti de couloir qui fenit pu…
Jusque là j’ignorais encore totalement ce qui pouvait bien arriver à Juny, mais je savais que fallait faire vite, mû par une sorte d’urgence en moi. Après plusieurs minutes de marche, nous débouchons sur l’urgence.
« Bonjour madame, je crois qu’il fait une réaction alergique… »
« Prenez un numéro monsieur. On instaure un nouveau système aujourd’hui, ça fait que ça s’peut qu’ce soiye un peu plus long mais prenez un numéro… »
« Non madame, je m’excuse mais je crois que je me suis mal expliqué, mon ami fait une réaction allergique, il commence vraiment à enfler de la face… »
« Monsieur, je vous ai dit de prendre un numéro, j’ai aucun contrôle là-dessus, surtout que je fais juste du remplacement parce que la madame qui est ici normalement est pas là aujourd’hui, alors je sais pas trop comment ça marche mais je sais que j’ai aucun contrôle là-dessus. Y faut voir l’infirmière du tri, qui est occupée avec un patient. »
Tabarnac, que j’me dis. Ostie d’épaisse. Comme j’ai haussé le ton, je lève les yeux et voit l’agent de sécurité qui me regarde, cinq mètres plus loin. Ok, que j’me dis, comme ça ira pas plus vite en criant, obtempérons. Je prends un numéro, et fais asseoir Junior. Je suis debout, je fulmine et marche un peu de long en large. Après une ultime tentative de séduction avec la garde qui ne savais rien, je reviens m’asseoir à côté de Jun. De là je vois l’infirmière du tri. Elle a la tête posée sur les deux mains croisées, comme dans une salle de classe par exemple. Elle hoche docilement la tête en signe d’approbation devant un vieux monsieur qui semble lui raconter de folles histoires de jeunesse pour expliquer ses douleurs actuelles. Merde que j’me dis, ça va être long.
Je me retourne alors la tête pour observer my love. Il tiens toujours la guenille dans sa face. Je lui demande de la retirer quelques instants, les deux yeux sont presque complètements fermés par l’inflammation. Mais c’était la moindre des choses.
Vous savez quand on se fait piquer par un moustique, mettons un gros. Vous faites une sorte de réaction, un bouton dans un cercle rouge. Maintenant imaginez des boutons comme ça partout dans le cou, sur les lèvres, le haut des pectoraux…
Merde que j’me dis (pour la combientième fois de la journée ?!) « Hey Juny, how are you in your face, do feel scratchy or something ? » « No, i’m ok, why ? » « no no, nothing »… Fuck, ça prend une tournure plus grave la patente, LET’S GO, ACTION MAINTENANT !! Hurle un truc pas si loin dans ma tête.
Permettez moi d’ajouter à ce stade mesdames et messieurs, que nous somme toujours au lendemain de mon party d’anniversaire au Stéréo after hours. J’ai dansé toute la nuit, j’ai consommé des trucs, je suis épuisé et encore fucké par le décalage horaire (Mélanie et moi ne sommes revenu de France que depuis deux jours après tout) mon corps ne tient que par l’adrénaline et l’urgence de la situation. Il doit maintenant être dans les 11h du matin.
En voyant le visage de Junior qui devient tout enflé à son tour, il n’y a plus de doute dans mon esprit, j’ai affaire à une réaction allergique. Cela est rendu à un stade semi-avancé puisque touche l’épiderme facial de façon visible et étendu. Je n’attends plus, j’me lève et avant même que l’agent de sécurité n’ai pu initier un mouvement de tête, je suis rendu à la porte de la trieuse, je cogne et ouvre :
« Désolé madame, mais je ne peu plus attendre, mon gars est en train de faire une réaction allergique et c’est rendu dans le visage, il commence à manquer de souffle »
Elle s’apprêtait à me répondre les mêmes épaissitudes que d’habitude à la « monsieur calmez vous et assoyez-vous !» lorsqu’une autre infirmière passait exactement dans la porte du fond quand j’ai dit ça. J’ignore où elle allait, mais fut disponible « ok Monique, c’é beau j’le prends »
Elle traverse les portes principales pour venir chercher Junior dans la salle d’urgence. Ses deux yeux sont fermés maintenant. Il pleure intensivement. Le cœur m’arrache. Il ne s’est passé que 20 secondes depuis que je me suis assis et que j’ai vu son visage la dernière fois.
« vous pouvez me suivre monsieur ?? » qu’elle lui demande. Je l’informe alors qu’il ne parle qu’en anglais. Je le prend par la main et lui dit de me suivre. Ça va bouger maintenant.
À l’instant ou l’on sort de l’urgence, deux nouveaux patients y entrent de l’extérieur. L’homme est mince, cheveux gris, teint sombre, assez grand, moustachu et lunettes. Visiblement, il est le pas-malade du couple. La femme qui l’accompagne est bizarrement faite. Sont ventre est enflé, elle est grosse, très très grosse. Tellement sont ventre est bizarre, ont dirait qu’elle a un oreiller sur le thorax. Tsé, quand monon’c Jacques est déguisé en père-noël et que il s’est juste attaché un oreiller avec deux cordes sur le ventre, ça ne ressemble pas à une bedaine. C’est trop carré et ça a le même angle en haut et en bas, ça a pas l’air naturel. Ben cette dame avait un peu l’air de ça. Sauf qu’on voyait bien que c’était pas un oreiller qui faisait la bosse.
Ce qui m’a marqué le plus chez elle, ce n’est pourtant pas son ventre, c’est son visage. Mi-quarantaine, ses yeux sont résignés mais inquiets. Elle tremble et semble avoir très mal. Elle n’avait plus de menton, mais un immense collier de gras, comme un beignet de peau qui lui pendait du visage. C’est comme si son visage avait été posé sur un écrin couleur peau, tellement son beignet semblait souple et moelleux. Imaginez les cernes en dessous des plis, ça fait frémir… Les yeux quand à eux, ressemblaient à deux pierres noires, cernées de gris. Je lui ai donné un petit coup de tête sans savoir pourquoi.
La salle des soins intensifs est à deux pas. On y entre, déjà un patient avec quatre médecins autour. Elle prononce des mots que je n’entends pas. Je n’ai d’yeux que pour mon amour. Je lui tiens la main et suis totalement branché sur lui, à l’écoute de tout ce qu’il est. Nous le guidons vers un lit. Aussitôt couché, le balais commence. Je vois l’infirmière qui nous a conduite jusqu’ici étendre mon homme et commencer à le déshabiller. Des ordres se passent. Trois des médecins qui traitaient l’autre patiente traversent de notre côté. Tellement que j’entend celui resté seul demander de l’aide. Il demande à ne pas être abandonné, à avoir au moins une autre personne avec lui, je le plain mais suis satisfait dans mon fort intérieur. Mon Juny est plus important, cela mérite plus de ressources.
On me demande de changer de place, je dois lâcher la main de Junior. Je me déplace vers les pieds, je lui caresse la peau doucement. J’entends les médecins présents s’activer sérieusement. On demande les noms de deux ou trois médecins. Tout d’un coup j’entends les codes dans l’interphone de l’hôpital. Je fais le liens : ha bon, c’est ça que ça veut dire quand on call l’anesthésiste, le pneumologue, l’inhalo-thérapeute , le cardio et le schtroumf scientiste dans les p’tits haut-parleurs… « DOCTEUR PAINFULL CODE 1481 »
HAAAA, un appel de mon mec, pour interrompre délicieusement cette envolée littéraire… il est 20h28 le 9 du 7 du 6. Vous ais-je dis combien je l’aime ce mec ?? Wow. Il génère vraiment du bon chez moi. Là chu tout émoustillé de lui avoir parlé …
On continue.
Donc j’entends les messages dans les speakers, je vois les gens devant moi s’activer. À ma gauche, on a approché un appareil de lecture cardiaque. Junior est maintenant torse nu, il a des suces partout sur le ventre et le thorax, on vient de lui poser un masque sur le visage. Des larmes coulent toujours de ses yeux. Je me sens si impuissant. J’aimerais supporter cette panique qu’il ressent. J’aimerais le soulager de son incertitude et lui dire combien cela ira bien, qu’il s’en sortira…
C’est une dame aux cheveux foncés qui s’occupe du moniteur de gauche, ça fait bip bip. Je suis toujours aux pieds, de son côté droit. En face de moi il y a trois médecin. Le plus proche est tout près du lit. Il a une aiguille dans le bras de même qu’un genre de scotch tape. Ça ressemble au tube du cathéter. Ses deux mains sont pleines et il semble avoir de la misère, mais je n’ose pas lui offrir mon aide.
Il pique l’aiguille dans le bras de Junior d’une seule main, et en la tenant en place essais d’ouvrir le ruban adhésif qui la tiendra en place de l’autre main. Il échappe le tape par terre.
« Let’s go Marc, tu suis pas là… » lui lance le médecin derrière lui.
Sans lâcher le bras ni l’aiguille, il se penche pour ramasser son tape.
« oui oui, attend un peu là, chsuis juste en train de lui fixer son aiguille, ça vient… »
« accélère Marc, tu retarde … »
Le gars en face de moi, dont j’ai compris le prénom étais Marc fini par appliquer son gros ruban transparent sur l’aiguille, et d’un coup il injecte le produit de 4 ou 5 seringues l’une à la suite de l’autre.
Je n’ai pas la mémoire ni les connaissances qu’il faut pour retenir et comprendre tous les trucs injectés alors à Juny, mais il y avait là-dedans de l’adrénaline, ça au moins je l’aurai compris. Et je sais aussi à quoi sert l’adrénaline. C’est quand on est rendu à stimuler le cœur. Juste avant qu’il ne lâche.
Jusque là, je suis encore assez impliqué dans la situation. Étrangement, le personnel ne parle pas anglais, et croyez-le ou non, c’est moi avec mon anglais plus que rudimentaire qui sert de traducteur. Je vois le moniteur cardiaque irrégulier, les médecins nerveux et rapides, les yeux de l’infirmière en face de moi fixés sur le moniteur et qui donne des lectures au doc… on me demande souvent de lui demander s’il respire toujours bien, ce qui semble être le cas, même s’il a des sanglots à travers ça. Tout d’un coup, il me sert la main plus fort, en panique. Il ne respire plus.
Comme on me l’avait demandé souvent, j’ai imaginé que c’était très important, c’est pourquoi j’ai réagi aussi vivement, mais ce fut trop.
« Heille y respire pu !! » que je m’exclame…
« Wo là ! » s’écrit aussitôt un médecin « vous me le sortez d’ici celui-là, y’é trop excité »
C’est sûr que je me suis senti immédiatement touché. Moi qui avait été du plus grand calme jusque là et qui n’avait fait que ce coup d’éclat j’étais trop excité ?? Je vais me calmer dis-je aussitôt. Non non fais le médecin, dehors. L’infirmière du moniteur me met la main sur le bras :
« vous savez, ce serait mieux que vous sortiez, votre présence le rend trop émotif »
Ok, « HeyJuny, my love, i’ve to get out for couple of minutes, but i’ll be back soon »
je sors. Sors de la salle, les yeux dans l’eau, le coeur qui bat à tout rompre, désorienté. Bon, faut que j’aille changer mon char de place après tout, il est toujours planté devant l’hosto, sur sherbrooke.
En sortant des soins intensifs, je revois la grosse et le gris. Ça doit chier pour eux aussi puisqu’ils sont déjà entrés dans la zone d’action. Je sors dehors, m’allume une cigarette, j’appelle Mélanie, la femme de ma vie. Je tremble et ai la respiration haletante. On échange quelque paroles. Je lui explique que cela a empiré, qu’il est aux soins intensifs. Je lui dis de prendre ça relax mais de venir me joindre quand elle le pourra, je me sens vidé et ai besoin de support.
Une fois que j’ai changé mon auto de place et fumé quelque top, une vingtaine de minutes ont passées, je retourne à l’intérieur voir mon homme. On me permet d’entrer, je me fais tout petit. Et là les infirmières commencent à me poser des questions, sur son identité, le nom de sa mère, des coordonnées de gens de sa famille, sur qui je suis moi… Tout le monde est relax maintenant, la crise est maîtrisée.
Junior a fait un choc anaphylactique. Il était en phase d’arythmie cardiaque lorsqu’ils l’ont branché. Les voies respiratoires commençaient à se refermer. Il a fait un très sérieux choc d’ailleurs d’après les médecins. Vingt minutes de plus et il y passait. Nous aurions été à plus d’une demie-heure d’un hôpital et il mourrait.
J’ai expliqué au doc ce que nous avions consommé au cours de la nuit, de même qu’au matin, et il a acquiescé au nom du milpertuis. Il semblerait que beaucoup de monde réagissent à cette plante naturelle qui aide à régénérer la sérotonine, disponible en vente libre dans toutes les pharmacies. Le doc m’a expliqué que pour réagir de la sorte, c’était obligatoirement au moins la deuxième fois que Jun était exposé à la substence. Ouais jme suis dis, peut-être hier soir avant de sortir. J’en avais pris et fait prendre à Jun. C’est peut-être ça qu’il avait passé tout au long de la nuit, d’où son mauvais trip.
Junior semble plus calme. Il a le visage complètement déformé par l’enflure. Ses yeux ne pointes que par une mince fente. Ses lèvres sont enflées. Lui qui est toujours si beau, si fier et bien habillé est maintenant revêtu d’une simple jaquette bleu d’hôpital. Il a des aiguilles dans le bras, un respirateur sur le nez, des sondes fixées sur son torse. C’est douloureux à voir. Le téléphone sonne c’est Mélan qui s’en vient. Je lui donne les indications par où passer, attend encore quelque minutes et je dis à Junior que je sors pour vingt minutes. Je m’évade. J’ai besoin d’air, de Mélanie, mon soleil, mon roc.
Je suis dehors à fumer une cig lorsqu’elle arrive. On s’étreint et je lui dis immédiatement que j’ai besoin d’un J et de m’éloigner un peu. Je suis brûlé, mon corps n’en peu plus. Je sens une lassitude immense glisser en moi, je la laisse venir puisque la sait passagère. Mon amour pour Junior m’empêchera de sombrer dans l’immobilisme.
Nous marchons en dehors du stationnement, rue Panet, direction sud. On marche quelque pas sur le trottoir et on s’arrête sur un muret de trois pieds de haut. On est assis, mais il nous manque quelque chose. Tsé, faut savoir qu’on reviens de trois semaines en France, depuis deux jours, durant lesquels on a marché et arrêté beaucoup. On est des pros pour les p’tites pauses, mais là il nous manquait la couverte à Mélan. Une formidable couverte dépliante et qui se traîne tu-seul, comme un sac à main. Je décide que je suis trop brûlé pour bouger de là où je suis, mais Mélan s’offre généreusement pour aller la chercher à son auto, quelque cinquante mètres plus bas. Parfa ! que jlui dis, j’attends icitte.
Alors que je suis dans ma bulle, attendant qu’elle ramieute, je l’entend qui m’appelle. « Christophe, viens ici » Ah non ! que j’me dis, j’ai pas envie de me déplacer… Malgré tout je me lève. « Vite! » insiste t-elle… Huuumm, pas son genre sur ce ton là. Je ramasse les sacs et commence à marcher vers elle. Elle me regarde et me fais signe d’accélérer, je pars à courir, ne sachant pourquoi.
Arrivé à sa hauteur, je comprends. Imaginez-vous marcher sur le trottoir, la rue à votre droite, les blocs appartements à gauche. La rangée de bloc débute et délimite la fin du stationnement de l’hosto. C’est le premier bloc, il a une galerie de béton, munie d’un garde de sécurité. Quand vous êtes en face du bloc, ce garde fait le tour de la galerie sans être fixé au mur, uniquement à la galerie, l’escalier est à droite. Il ne pars pas du mur, mais à environ deux pouces du mur, il est fait en tube rond de deux pouces, il est noir et a des coins arrondis.
Un homme désespéré tente de soutenir une petite fille. Cette dernière s’est coincée le genoux entre le garde et le mur. Vous savez quand on amène le talon à la fesse, cela crée une genre de boule dans l’articulation, qui est plus grosse que le reste de la jambe parce justement, c’est l’articulation. Et bien imaginez-vous la petite fille, côté balcon, avec la boule du genoux droit coincé de l’autre côté du garde, côté extérieur, le tout coincé contre le mur de brique. Elle trop petite pour se tenir à quoi que ce soit, son poids la tirant vers l’arrière et exerçant ainsi une forte pression sur la rotule. Son père, paniqué, qui tente tant bien que mal de la soutenir et de la sortir de là à partir de l’extérieur du balcon. Il y a donc une différence de plus ou moins un mètre entre la hauteur de la galerie et le niveau du sol.
Je sais pas d’où c’est venu, mais en arrivant sur les lieux, j’ai instinctivement su comment réagir. Immédiatement j’ai vu comment tenir la fillette âgée tout au plus de huit ans, afin de réduire au maximum la pression pour elle. J’ai pris la place du père et ai ainsi crée avec elle un lien de confiance immédiat. Tout ce temps, le fait de savoir Mélanie à mes côtés était ma source, ma référence, mon acolyte en qui j’ai toute confiance, quoi qu’il arrive.
« Bonjour mademoiselle, mon nom est Christophe. Je vais prendre la place de ton papa et aller te soutenir ok ? C’est quoi ton nom ma belle ?? »
« Anabelle …»
Et ainsi, dans ses yeux j’ai passé les minutes suivantes, à l’encourager et surtout, à la rassurer sur tout ce que nous allions faire. J’ai montré à son père comment bien la tenir pour ne pas qu’elle souffre et ai couru à mon char pour voir si je n’avais pas les outils qu’il fallait pour dévisser la rampe. Malheureusement, juste avant mon voyage, j’avais vidé mon auto, au cas où je me fasse défoncer durant mon absence. Et comme nous n’étions que trois jours à peine après retour, je ne l’avais pas remise là. Donc pas d’outils.
Pendant ce temps, un monsieur qui habite en face passe par là. Il court chez lui pour aller chercher quelque chose qui pourrait servir de barre de force. J’arrive entre-temps, et prends position sur la galerie, derrière Anabelle. Mélanie me donne sa place, et avec mes propres genoux je la soutiens très confortablement, elle n’a plus mal mais est nerveuse sur la suite des choses. Nous attendons le retour du voisin, qui arrive avec des 2X4 de 6 pieds de long !! Bon ben c’est mieux que rien.
Le père et le voisin prennent position le long du mur sous mes directives, et ensemble nous coordonnons tous nos efforts dans un même souffle. Ils forcent de l’extérieur la bordure du garde en s’appuyant contre le mur, cela crée un dégagement suffisant, et moi qui tiens Anabelle par derrière la tire alors vers le haut, la libérant par le même chemin qu’elle y était entré.
Aussitôt soupir de soulagement, sourires et réconfort. On regarde s’il y a bobo, je l’embrasse, salue le père, et tout le monde s’en va son chemin…
Wow ! Par notre présence, nous venions d’interagir très profondément avec une petite matrice toute neuve. Les expériences marquants en fonction du vécu, il est de fortes chance pour qu’Anabelle eut été marqué plus en profondeur que nous. Dans sa courte vie, cet événement est plus gros en proportion que dans une vie de trente ans. Quoi que ce facteur ne garantisse pas le niveau d’implication émotionnel, nous avons tenté de partager par nos actions, sans réfléchir, qu’il était important d’aider son prochain. Du moins j’espère en retiendra t-elle une partie.
Non seulement ça, mais en plus, mon mec était dans une chambre d’hôpital en train de se remettre d’un grave choc anaphylactique. Je venais d’avoir à réagir de façon réactionnelle sur l’adrénaline à une situation d’urgence, avec un être qui m’implique émotive ment, et là dans le même espace temps je suis soumis à ce deuxième test de réaction. En soit, uniquement cet événement de la fillette est quelque chose de marquant. Combien de fois par semaine, où par année même avons-nous la chance vivre un acte de bonté, gratuitement. Combien de fois avons-nous la chance de poser une action, un geste qui aidera concrètement une autre personne. De surcroît sans qu’il n’y ait de cette personne aucun retour prévu.
Ne s’agit-il pas là en fait du privilège unique de pouvoir s’offrir volontairement quelque chose à soi-même… L’humanité.
Cela permet de vivre une expérience sans calcul, sans prévision ou anticipation. Juste le moment présent, on fait ce qu’il y a à faire, branché sur le canal de l’intuition. Tu contrôle pu rien, tu suis, tu surf. Notez que j’ai beaucoup à vous entretenir à ce sujet, uniquement sur le jeu, le surf, sur comment s’amuser vraiment avec tout ça…
J’aime croire que ce bref espace temps où Anabelle a croisée notre chemin était là pour une raison bien précise. Pour elle où pour nous, maintenant ou beaucoup plus tard, cette journée trouvera tout son sens dans la finalité des choses. Nous avions, sans le savoir, besoin de partager ensemble cette « épreuve », Mélanie et moi, en présence d’Anabelle pour nous amener à accepter, ou à voir la vie différemment. Je n’ai pas encore trouvé tout le sens des événements, mais ils furent marquants sur le moment.
Suite à cela, nous n’avions toujours pas fumé notre truc. On s’est donc retiré sur le muret, à l’endroit d’origine, mais avec la couverte cette fois. On a fumé notre truc, puis une cigarette. Et là bien sûr, on en a jasé un coup, sur le party, sur la nuit, sur ce qui arrivait là, et surtout, de cet ajout imprévu que venait de nous offrir La Vie™. Après quelque minutes, j’ai senti le besoin de remonter, me sentant coupable et mal de laisser Junior seul depuis tout ce temps. Il y avait plus de quarante-cinq minutes que j’étais sorti maintenant.
Nous sommes donc entré à nouveau dans l’hosto, me dirigeant immédiatement vers la salle en question. Arrivé là, oups, pu de Junior. On l’a changé de place monsieur, il est là-bas, ha bon merci. Hello my love… bon dieu que je veux ce petit mec là pour moi me suis-je dis en le voyant comme ça, endormi, démuni sous la couverte bleue. J’ai remercié le ciel de m’avoir laisser la chance de continuer à aimer cet être si beau, si pur, si à ma mesure.
Il s’est éveillé, le visage tout tuméfié. « Hello my love » a t-il soufflé tendrement en s’étirant… « Hello my love » ai-je répondu.
Mélanie l’a salué, ils se sont embrassé et parlé un peu. Nous sommes resté une quarantaine de minutes. Pendant qu’on était là, la dame du moniteur de la salle des soins intensifs est repassée pour lui faire un traitement d’inhalo. Il aurait à en subir aux 2, 4 puis 6 heures d’ici à demain. Il devrait passer la nuit ici. Cette gentille dame nous a expliqué que Junior avait fait une très grave crise allergique, il a subit un violent choc anaphylactique, et on a bien failli le perdre a-t-elle encore souligné. Elle nous a expliqué que le niveau de réaction auquel avait réagit Junior était très élevé par rapport à la moyenne pour un premier choc du genre.
J’avais passé proche de tout foutre en l’air. Tout. Avec mon comprimé de milpertuis, j’ai failli sans le vouloir changer plusieurs existences. Ensuite, pour dire honnêtement, c’est flou dans ma tête. Après une vingtaine ou quarantaine de minutes, je ne sais plus, nous sommes sorti, je devais aller me reposer, le cerveau n’en pouvait plus.
J’ai dû aller dormir environ 4 ou 5 heures che nous, histoire de décrocher un peu. À mon retour à l’hosto, on m’avise que Juny est changé de place encore une fois. On me réaligne, je cherche, j’arrive…
Chambre 12.2 huum ?! Bon, ça doit être par là… Putain de merde ce que je déteste les hôpitaux. Tout est anonyme. Une chambre habitée, traversée par l’humanité le temps d’une rémission ou d’une démission… Quel que soit l’angle par lequel vous envisagiez votre séjour à l’hôpital, c’est passager. C’est pourquoi les chambres arborent ou non les signes de la vie ou de la mort, indifféremment du sort final de l’occupant. Tout est si anonyme…
Faites que je trouve vite mon mec pour lui apporter un visage familier…
Passe la réception, mais de par derrière, là où sont les patients traités, pas ceux qui attendent. Les ascenseurs, les portes battantes, porte 11.1 ,11.2 chambre 12, voilà ! Deux portes 12.1 et 12.2, la salle est en forme de U, les deux portes étants les deux extrémités des pattes du U. Donc les deux portes se suivent dans le corridor, séparées par environs trois mètres. J’arrive vis-à-vis la première à ma droite pour entrer, mais aussitôt passant le cadre de porte, je suis assailli par une odeur de merde très prenante. En entrant, les lits sont du côté droit, il y en a trois contre ce mur, ensuite dans le fond deux autres. La pièce continue vers la gauche, pour revenir à l’autre porte, trois mètres plus loin. Au centre, il y a le poste de contrôle des infirmières. 12 patients au total, en comptant le vieux monsieur parqué dans l’armoire à balai (pour vrai, pas de blague).
Il y a une pancarte jaune « plancher mouillé » sur le sol, un préposé lavant les tuiles à l’aide d’une vadrouille, un autre frottant le mur à l’aide d’une serviette et de désinfectant. Il y avait ceci de particulier que tout le personnel était muni d’un masque protecteur couvrant le nez et la bouche, mais qu’aucun patient ne semblait mériter de se voir offrir le même traitement. Ils ne sont que les patients après tout, ce sont eux qui sont faibles, démuni et malade. Y sont déjà malade, c’pas grave, pas besoin de les protéger !!
Malgré la désagréable odeur, je prends quelques secondes pour observer la cause de ce cirque. La grosse femme au beignet, que nous avions aperçu au premier voyage, en tout cas moi je l’avais perçu, cette grosse femme est couchée, un lit contre le mur de droite. Elle semble ne pas aller bien du tout. Son homme lui tient la main, il semble épuisé et à bout. Je les plaints, la femme gémit dans un sanglot. Cela semble très douloureux. « Haaouuuhhhh!!!! » se terminant par des pleurs.
On me fait signe de ressortir et de passer par l’autre porte. Je m’exécute aussitôt. On ne veut pas être dans les mauvaises grâces des dames en blanc. Je traverse donc de l’autre côté de la chambre en passant par le couloir, trop heureux de prendre une gorgée d’air moins viciée. Ouf ! Même dehors ça schlingue ! On re-rentre dans la chambre, Re-ouf ! Jésus-Christ !!! Faut manger quoi pour sentir ça ??
On s’en fou, où est mon mec svp ?
Haaa, le voilà, my love, my prince…
« Hey baby, how are you ? »
«hello my love, i’m glad to see you… »
Son visage était beaucoup désenflé. Il avait retrouvé un aspect plus naturel. Pour lui permettre de se désennuyer un peu je lui avais apporté des revues et autres cossins en anglais. Afin de nous retrouver un peu seul, nous avons fermé le rideau (encore bleu bordel !) qui permet un minimum d’intimité lorsque l’infirmière a à vous foutre un thermomètre au cul. Bien entendu, nous avons aussi passé quelques remarques sur l’odeur nauséabonde qui imprégnait la place.
Je lui demande ce qui se passe avec la grosse femme. Elle devait avoir de très gros problèmes gastrique, puisqu’elle ne faisait pas que se chier dessus, elle dégueulait aussi… à grand coups de gerbe-moi-dessus-salope! Ça ne faisait pas deux minutes que j’étais arrivé que j’ai bien compris le calvaire que vivaient les patients depuis plusieurs minutes déjà. La femme avait littéralement explosé de merde, splashant au passage tout ce qui était près d’elle, d’où le nettoyage des murs, du plancher et du lit. Elle semblait toutefois affecter d’une tare supplémentaire, soit la déficience intellectuelle. Chaque fois qu’elle avait envie de recommencer, elle criait «gaaaaade !! GAAAAAADE !! JVA FAIRE CACAAA GAAAADE!!»
Sérieusement, Junior était pas tenable. Y riait comme un gosse, incapable de se retenir. Il avait l’air de croire que le rideau était suffisant pour couvrir le son, sauf que c’était comme à l’église. Tsé quand t’es flot pis que t’as le goût de rire mais que tu peux pas… On s’est pris d’un fou rire qu’on essayait de couvrir, fa que c’était encore plus drôle, mais ridicule tout à la fois. Sérieusement, j’étais gêné de nous, mais en même tant, Juny est très taquin, il aime rire et ne s’en prive pas. Il est vraiment comme un gosse jvous dis. Mettons qu’on voit une grosse madame avec un micro-chien, il ne pense même pas à se cacher et il cri en pointant et ridiculisant la bête « HAAAAA PINKYYY !!! ». Moi je ris.
Ça fa que finalement, notre grosse madame au beignet aura été plus qu’une curiosité dans la salle d’accueil de l’urgence, elle aura aussi été une source de distraction sans borne… On en a reparlé souvent, et aujourd’hui, cette dame est la « CACAWOMEN »…
Après environ une heure de taquineries et discussions about nothing, j’ai décidé de m’étendre. Il m’a fait une place, nous étions très bien. Je me souviens avoir été couché, blotti tout contre lui, dans son petit lit d’hôpital. Peut-être n’est-ce que le fait d’être à ses côtés, sachant que j’aurais très bien pu le perdre qui faisait de cet instant un si doux moment… puisque après tout, une moitié de lit d’hôpital n’a rien d’un lit queen. Je me sentais particulièrement proche et en lien avec cet être qui, me semblait-il, déployait devant moi toute sa fragilité et son besoin d’être accompagné.
C’est certainement dû à la bouffée d’hystérie accompagnant cet événement, mais je sais m’être profondément attaché à lui, me disant que je voudrais veiller sur ce mec toute ma vie. Ou plutôt, que c’était lui mon mec. Après la fin des visites, un gardien est venu nous réveiller, il m’a demandé de partir. J’ai salué mon homme, comme un nouveau-né que tu ne veux pas lâcher, et chu parti.
Junior a dû passer la nuit seul à l’urgence, dans l’odeur de merde, quoi que l’on ne la sente plus après quelques minutes. De toute façon, Jun n’avait qu’à mettre son masque à oxygène. Cela lui couvrait toute la bouche et le nez, donc plus d’odeur.
Cette journée fut pour moi des plus marquante et surtout, elle fut épuisante. Je ne saurais vous dire l’état de fatigue absolue qu’était le mien lors de mon retour chez moi. Après tout, je m’étais levé le dimanche matin, au retour d’un voyage de 20 jours en France, nous avions dansé toute la nuit de dimanche au stéréo, et là avec cette journée… wow, brûlé total. C’est remarquable quand même de voir toute l’énergie que l’on peut déployer, même lorsque l’on se sent à bout. Y reste toujours des réserves pour l’être aimé.
Après une courte de nuit de sommeil, che nous, me semble que je me suis levé tôt, déjeuner et go. Je crois que Mel était encore avec moi.
Si le jour d’avant j’avais cherché comme un con dans les couloirs de l’hôpital pour me rendre à l’urgence, j’étais maintenant un pro. Ben oui, j’avais fait le trajet presque trois fois après tout !! Alors je me présente le matin même directement au spot ou Juny devait être. Pas là, osti !
« Scusez m’mdame !!!! »
« huuumm? » me répond une paire de lunette accrochée au bout d’un nez. « Mais ou est donc passé le plus beau patient de votre département qui, à bien observer, sent encore la merde ma foi !? »
Aujourd’hui je le regrette, mais en lui disant que ça puait, elle a dû sentir que tous sont effort n’avaient servi à rien, elle a dû se sentir flouée et diminuée dans son intégrité, puisqu’elle avait sans doute secrètement frotté tous les murs de la chambre trois fois et le plancher deux fois, sans vouloir que personne ne le sache. Car à peine n’avais-je prononcé le mot « merde » qu’elle s’est mise à crier, à lancer des chaises roulantes par la porte et à débrancher des respirateurs. Je crois même qu’elle a pissé dans deux ou trois soluté, histoire de foutre la merde pas à peu près. Je lui ai donné deux minutes pour se calmer, et une fois qu’elle eut vidé les pots de chambres uniquement sur les lits occupés par des patients, histoire de « sentir la merde pour vrai!!! » comme elle disait avec des yeux fous, elle m’a enfin révélé ou était Junior.
À l’annexe qu’il était qu’elle m’a dit. « Êtes-vous certaines, Ô prêtresse des grandes odeurs ? » Je crois que c’était de trop. Quand chu sorti de la chambre courant, elle avait commencé à lancé des aiguilles souillés, provenant de la petite boîte jaune inscrite « BIOHAZARD » à tout ce qui l’entourait. Je sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que les infirmières sont surmenées.
Finalement, trop heureux de sortir de cette zone pestilentielle que la grande prêtresse avait réactivée à grand renforts de jus de vessie, je me dirigeai vers ce que l’on appelait « L’Annexe ». Sauf qu’on m’avait pas dit que la câlisse d’annexe de mongol était pas dans l’hôpital !! Faut sortir monsieur, marchez deux minutes à travers le stationnement, virez à drette, virez à gauche, fourrez-vous la tête dans l’cul voyons câlisse de sacrament, y’a ti-pas moyen ciboère de mettre des indications claires ??
Bon, j’feni par trouver la criss d’annexe. Honnêtement, je me suis demandé comment Junior avait pu se rendre là. Sûrement pas tu-seul, pas dans l’état qu’il était du moins. Après plusieurs minutes de recherche additionnelles, quelques maugréments et une touche d’impatience, je fini par trouver mon homme. J’ai eu tu-suite l’envie de le protéger, de le bichonner, de l’aimer pour la vie…
Vous avez, il y a cela d’étrange dans les situations d’urgence et de fébrilité que vos émotions sont extrêmement sollicitées, vous sautez d’une limite à l’autre, vous passez des larmes à la joie, de l’inquiétude au soulagement… c’est dur, mais cela fait vivre.
Ha oui c’est vrai! En passant, avant que j’oublie, ne vous en faites pas avec l’histoire de l’infirmière qui pète sa coche, j’avais juste besoin d’une petite perte de contrôle littérale pour me remettre dedans, y’a rien de vrai là-dedans… voyons! Comme si on pouvait pisser dans un soluté!! C’est ben trop haut !!
Dans la salle d’attente du spécialiste en allergie, au 11e étage de l’annexe, my baby était là, assis dans sa jaquette-bleue-qui-ferme-pas-dans-le-dos sur une chaise en plastic froid, les yeux fermés, le menton dans la main, le visage toujours boursouflé.
« Salut bambi » « Salut my love ». Je me suis assis à ses côtés, on a attendu. Il y avait un couple de vieux assis face à nous, un peu plus à droite. Ce parking n’avait rien d’une salle d’attente. C’était plutôt un genre d’alcôve de 5 mètres par 4, qui bordait un corridor large de trois mètres. Donc tout le monde passe par là, les malades, les médecins, le monde qui arrive de dehors, les ambulanciers avec civières, les ascenseurs… osti qu’y a du passage. Toé, le malade, t’es assis là, comme un connard dans ta jaquette bleue, le dos ouvert su’ta chaise de plastic frette, câlisse. Pis à part de ça, y’on ti-pas pensé que si tout le monde a une criss de jaquette qui farme pas dans le dos, pis que tout le monde s’assoit le cul su’leux osti d’chaises en plastic moulé frette pis pas confortable, ben les saloperies de tout le monde se promènent sur lé esti d’chaises à marde !! Arrêter d’charcher aux mauvaises places ciboères, y sont là les maladies nosocomiales !!! Pas dans les systèmes de ventilation… DUHHH !!
Wooo là, respire un bon coup et calme toé Chris…
Ben oui mé, que cé k’j’y peux moi si la p’tite criss de pancarte qui dit « ne me brusquez pas, restez poli et parlez moi avec un sourire ou allez chier » pis qu’yé collée dans’vitre à côté du trou par lequel la p’tite madame qui-s’en-criss-de-l’aut-bord-du-comptoir vous parle me fait chier. Si à fesait sa job, osti, pis qu’à disait pas « j’ai pas de contrôle là-dessus monsieur », ben le monde crierait pas, ça fa qu’à l’aurait pas besoin de sa p’tite criss de pancarte effrontée.
Tsé, à trois reprises cette année j’ai eu à accompagner des amis à l’hosto, pis Jésus-Christ men !! Ça fa peur !! Sérieusement, pour une personne seule, je sais pas comment ça se passe, mais ça doit être dur. Des fois on t’oublie. Carrément, tout le monde qu’un autre t’a pris en charge, fa que tu restes juste là, parké dans le couloir. Affreux.
J’étais content d’être avec Juny, de lui tenir compagnie, ne serait-ce que pour ne pas être seul dans ce monde horriblement aseptisé, décoré de pancartes de prévention du suicide (ben oui toé!!) et de mises en gardes stupides. J’imagine une quarantaine de minutes plus tard, nous avons été reçu par un gentil médecin allergologue, qui a prescrit un épipen de même qu’un rendez-vous chez un autre spécialiste à Ottawa. L’épipen en passant est une seringue d’adrénaline que les allergiques comme Jun doivent traîner avec eux en tout temps. S’ils ont une crises, on pique dans une cuisse, ça te donne vingt minutes.
Ensuite on est sorti du bureau, on a signé les papiers de quittance et crissé notre camp. Intérieurement, j’ai souhaité bonne chance à la caca women.
Ça faisait drôle de revenir à la maison. Ces deux jours m’avaient semblés comme une semaine, épuisants. Ce n’est plus vraiment clair pour moi, mais je crois que nous nous sommes couché jusqu’en soirée. On a dû se lever vers les 19h et bouffer un peu, parce que je me souviens être sorti après.
Croyez-le ou non, des amis à Jun sont descendus de Ottawa, et on est sorti au cabaret à Mado, pis on a eu super du fun… C’est ce que je trouvais le plus bizz. Mon gars venait de passer à deux doigts de mourir, et là, le jour d’après, on était chez Mado en train de boère des drinks et de se saouler la gueule. Vraiment exceptionnel. Il faut croire que Junior est fait très fort, car la quantité d’adrénaline qui lui a été injecté dans le cœur était suffisante pour tuer un être humain de faible constitution, un vieillard par exemple. Il avait encore le shake tellement son système nerveux avait été touché, mais envwaye, on s’enfilait les shooters de bailey’s ou de sour pussy sans culpabilité.
Finalement, après quelque jours, tout est rentré dans l’ordre. Il semblerait que Jun a fait une réaction ultra puissante au milpertuis, une plante sensée régénérer la sérotonine, mais également très allergène. Je ne lui ai plus jamais donné mes petites pillules de fin de party. Dieu m’en garde.
Je crois qu’il s’agit là de mon anniversaire le plus intense à vie. Ce fut une expérience très éprouvante, mais aussi très grandissante quand aux émotions générées en situation de stress. Comme toujours, Mélanie fut un élément essentiel de l’histoire. Sans elle, je ne m’en serais jamais sorti de la sorte. Merci Mélan, je t’aime comme toujours, tu es mon complément d’objet parfait.
Ok, je vous aime ben là, mais chu fatigué, alors, à la prochaine histoire…
Enfin terminé dans mon lit le 09 nov 06, osti. Quatre mois après le début de la rédaction. Une éternité émotionnelle plus tard aussi.
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