JUNIOR’S BOOK – J02 – LA CHUTE DES CERTITUDES

Jour 02 – Mardi le 24 nov 2015

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Approximation de lecture : +- 5 p. / +- 6-8 min?

Titre : La chute des certitudes

Tout se bouscule tellement dans ma tête.

Vous savez lorsque j’ai esquivé plus tôt «la chute» des certitudes, cela commence par cette étrange lumière qui tout d’un coup obscurcie toutes les teintes de la vie autour de nous. Chaque objet ou chaque item de la vie qui vous entoure devient plus terne et gris.

Dès les premières minutes et heures, j’en avais fait ce constat en ramassant toutes mes affaires. C’est comme si tout d’un coup, je voyais tout à nouveau pour la première fois.

Oui, je crois que c’est cela. C’est comme si toute notre réalité devenait soudainement caduque, mais sans que l’on ne vous en ait avisé auparavant.

On se réveille dans un film d’horreur ou la notion du temps est également complètement distordue, envolée. Hier devient il y a une éternité, il y a une minute hier encore. Chaque respiration me semble éloignée et indifférente de moi, car de toute façon, il n’y a qu’une horrible angoisse et le plus terrifiant moment de ma vie qui s’est présenté avec le levé du jour, en devant avouer que je ne réveillerais pas, et que cela n’était qu’un rêve.

Non. Ce n’était pas un rêve, et ce nouveau jour me le rappelais cruellement.

Plus jamais la lumière du soleil n’illuminerait mes journées comme elles le furent sous le regard de l’Homme qui fut l’Amour de ma Vie. 

En fait, voilà un autre exemple.

Comment parler au passé de la personne qui a été la plus importante dans votre vie depuis dix ans ? Il EST l’amour de ma vie. Je ne peux dire il FUT l’amour de ma vie.

Cela est un IMMENSE mur que l’on frappe à chaque seconde de conscience. Tout me ramenait à Junior, à ce dont nous devions encore parler, à ce dont nous venions juste de parler lors de notre dernière rencontre, sa fille entre autre. Je ne crois pas que je pourrai m’y faire.

Cette réalité qui s’effrite devant nos yeux, qui perd sa substance et semble emporter la mer de vos espérances dans le torrent de l’imprévu, devient en fait une eau dans laquelle nous ne savons pas nager. Il ne s’agit plus d’effectuer des longueurs dans une piscine olympique mais bien d’éviter des rochers set des pieux dans une rivière en mousson, sans gilet de sauvetage.

Tous mes paramètres habituels, tout ce qui régit mes prises de décisions, mes pensées, mes sécurités et certitudes sont soudainement ébranlées dans mes tréfonds. Plus rien n’a d’importance.

Bien qu’ayant essayé de me raisonner avec mes «soldier skills», je suis même incapable de quitter mon lit pour mettre mes bottes. Tout est brouillé dans mes souvenirs, je ne suis même pas certain que ce fut moi ai avisé mon sergent-major que j’aurais besoin d’aide. Il se trouve que dans mon habitation, il y a un gars qui habite en face de ma chambre, un franco, Fred, bien gentil. Je l’ai avisé hier soir de la mauvaise nouvelle qu’on venait de m’apprendre, et il a assisté bien impuissant à mes pleurs dévastés qui ont déchirés la nuit du couché au lever du soleil.

Nous habitons tous les deux des appartements sur la base militaire, situés à 100 mètre de notre lieu de travail, et je crois bien qu’il m’a offert de faire un détour par mes bureaux pour avertir les collègues.

J’ai souvenir de mon sergent-major qui apparaît, nous discutons un peu, je suis presque incapable de parler tellement la douleur me vrille. Je crois n’avoir jamais si peu respiré. Mes sanglots sont infinis et me vident d’air sans me permettre de remplir à nouveau, et ce ne sont que les mécanismes réflexes de survie qui me débloquent l’œsophage à chaque fois. Ma trachée elle-même est bloquée et plus rien ne rentre. Jamais je n’ai eu autant de douleur de perdre quelqu’un qui m’était si cher.

J’ai souvenir du padré de la base qui se présente. Il m’accorde aussitôt un congé de compassion de 14 jours, effectif à partir de demain, mercredi 25 nov 15, au matin même de ma rencontre prévue avec la sœur de Junior. Cela me permettra au moins de pouvoir prendre du temps pour mettre en place les mesures pour les funérailles et la suite des choses. Je ne sais même pas encore comment on va s’arranger avec sa sœur.        

Pour l’instant, je n’ai qu’un voyage de fait pour vider ma chambre, et il me reste tant à sortir !

ET PUTAIN !! Il fallait bien que cette évacuation arrive Maintenant ! Le JOUR de la mort de mon homme ! Le plus grand traumatisme vécu jusqu’alors (et ce n’est pas faute d’y avoir goûté hein !?).

Haa La Vie parfois ! Quand tu t’y mets !

(Voudrais-tu me passer un message à l’effet que je dois sortir de cet enfer quotidien de harcèlement et de discrimination par hasard ?)

Quoi que c’était peut-être mieux ainsi, de le savoir AVANT de quitter pour les funérailles. Je n’aurais pas voulu avoir à revenir, ou pire, que quelqu’un s’en charge pour moi faute de temps.

Ça ne pouvait pas être vrai bordel… 

Hier encore, rien n’annonçait de changement à venir ou de raisons pour pourraient LAISSER CROIRE À UNE CHUTE PROCHAINE…

Quoi que dans une souffrance, en raison de mes propres combats intérieurs, mais dans la recherche du chemin qui nous conduirait Jun et moi vers un équilibre de vie et émotionnel satisfaisant.

Même si je vivais des souffrances, elles étaient ponctuées de moments merveilleux, ou l’expérience humaine en soit prenait tout son sens. C’est dans le partage d’expériences avec Jun que ma vie trouvait son sens, en y incluant les bons et les mauvais moments.

Même dans la séparation, ma vie avait un sens dans la recherche d’une avenue qui nous satisfasse les deux.

Je n’étais en rien pressée, mais vivais tous les jours de ma vie en SACHANT que cet avenir pointe à l’horizon.

Donc malgré les obstacles, la douleur et les idées noires, la vie m’offrait quand même de rencontrer des épreuves qui me font grandir et qui nourrissent mon âme.

Et à travers cela Junior était important.

A tout point de vue.

Jamais je n’ai aussi bien respiré qu’en sa compagnie. Sur son épaule, j’avais l’impression de soudainement trouver un air plus doux, fait pour moi.

Tout ce qui émanait de Junior Hernandez était compatible avec mon être. Son RIRE ! Son odeur, sa texture, son goût, son touché, ses phéromones, sa saveurs de tout! Je pourrais mourir en respirant son air…

My god ! Je ne peux croire que je perds cela.

(J’ai veillé DIX ANS sur ce mec, en le plaçant au centre de ma vie et en veillant à toujours faire au mieux pour son bien-être, et en seulement trois mois, les nouveaux amis de qui il s’était entouré n’avaient même pas su offrir un environnement sécuritaire et responsable!? En UN été, il en était venu à consommer tellement, sans personne qui ne lui suggère de ralentir, ou de «enjoyer» au lieu de rechercher un trip de plus…que cela l’avait conduit à un abus systématique de recherche de toujours plus. Trop loin cette fois. Bordel de merde, ils n’avaient pas su veiller sur lui et le protéger… je leur en voulais énormément.)  

Je crois que peut-être, en ce moment, dans chacune de ces secondes qui me font réaliser ma nouvelle réalité, j’ai à peine le temps de prendre conscience de ce fait sur «une perspective» de ma vie qu’aussitôt, une autre fracture me heurte en pleine poitrine. La chute de toutes mes réalités est vertigineuse.

Peut-être que l’ampleur de la perte irremplaçable que représente la disparition de Jun ne peut même être envisagée d’un seul éclat de conscience. En fait, hier je n’entendais que les mots, mais aujourd’hui, maintenant, tout de suite je RESSENS le déchirement dans ma chair. Et au lieu de ralentir, la douleur va en augmentant, au fur et à mesure que je réalise toujours plus combien grande est l apert et tous les aspects de ma vie, et de notre entourage, en seront affectés. C’est un tsunami qui va en grandissant.

C’est alors que j’ai vécu le plus beau support que je n’aurais jamais pu imaginer de la part de mes collègues.

Voyant bien mon impuissance, l’un des premiers arrivés retourna au bureau quérir de l’aide, et ce sont tous mes partenaires de bureau qui se sont présentés, solidaires come des soldats.

Ils ont fini de remplir mes boites, vider mes tiroirs, ma bouffe, sortir mon mini frigo et mini congélateur de plancher, défaire me draps, vider les armoires et la bibliothèque.

Ils ont tous remplis leurs bagnoles perso, y compris deux pick-up qui contenaient mes électro, le BBQ et quelques bureaux. Je ne m’en rendais pas compte, mais ma chambre était très pleine.

Il doit être près de midi, ou plus, ou moins. Qu’importe. Le temps ne me semble plus guère une contrainte.

Quoi que oui, justement. Il n’est QUE cela en ce moment. Une contrainte.

Je dois effectuer une tâche qui prendrait normalement trois jours en 8 heures à peine, et ce sans posséder ma capacité de concentration habituelle. Je ne suis pas efficace dans ma gestion du temps et des priorités.

Je dois aussi gérer un sentiment d’urgence interne qui hurle en moi, me sentant impuissant et à la merci des événements, et qui relativise tout, en même temps, et place tout en priorité, tout en jonglant avec les contre-options, n’ayant plus de repères solides et étant déstabilisé.

Je n’ai eu littéralement aucun temps de préparation mentale ou psychologique à l’éviction elle-même, ni même eu le temps de me «chercher» une place. Tout s’est imposé de soi, en fonction du manque de temps.

Je voudrais être à Montréal, EN CE MOMENT, tout de suite, afin d’être avec les amis proches, qui eux aussi sont tous dévastés. Mais je ne le peux car je suis à trois heures de là. Encore une contrainte de temps, et de distance.

Chaque seconde est ressentie en soi comme une unité. Elles se détachent toutes les unes des autres, et portent toutes en elles leur lot de douleur et de souffrance attachées à un souvenir ou une nouvelle prise de conscience plus souffrante que la précédente.

Mais l’on dit que «le temps fait son œuvre», et espace de plus en plus ces secondes porteuses d’un passé qui n’est plus.

Réflexion

Si l’on se voyait sur une ligne de temps, ne sommes-nous pas en fait en tout temps la résultante d’une combinaison du passé?

Le tout projeté vers un futur plus ou moins en ligne avec votre trajectoire, issue de votre passé.

Mais soudainement, la mort empêche toute projection vers l’avant, pour ne laisser plus que des bribes d’espérances confondues. Toute votre vie qui était attachée à cette réalité doit dorénavant retrouver une existence en soit, sans appui.

C’est le renouvellement de cette réalité qui prend une éternité. On a l’impression de toujours se réveiller. 

Par bonheur, l’ami qui me reçoit a un garage, et ainsi beaucoup d’espace pour me recevoir immédiatement. Il a même une chambre aménagée prête à m’accueillir.

La journée est grise et froide. Je n’ai pas conscience de qui débarque quoi, ni même de ou est quoi. Merci tout le monde. On me guide vers ma chambre. Je réussi à prendre une douche, et essai de préparer mon départ demain pour Montréal. J’ai besoin d’un minimum. Car je ne reviendrai pas avant plusieurs semaines.

Bordel ! C’est le cas de le dire ! Je ne sais plus où ses mes trucs.

Brosse à dent ?

Putain de merde, j’en ai tellement rien à foutre…

Non mais attendez.

Justement, si, il faut en avoir quelque chose à foutre.

Quand tout s’effondre autour de soi, il ne reste parfois que bien peu de certitudes auxquelles se rattacher pour se prouver que nous appartenons bien à ce monde. Et c’est probablement quelque part au plus profonde des routines les plus essentielles que se trouve le reflet face à soi-même.

Car quand bien même se laisserait-on mortifier par la perte d’un être aimé, qu’éventuellement, au bout d’un moment, nous n’avons d’autre choix que de répondre à certains besoins physiologiques de base.

Dans les premiers temps, bien que l’on puisse vouloir mourir pour fuir la douleur, il peut surgir cette forme de recherche du coupable. Il y a probablement une forme naturelle de recherche de vengeance, ou à tout le moins d’explication afin de trouver un sens à tout cela.

Bien que issue d’une énergie reliée au désespoir et à la douleur, je me demande s’il n’est pas là en même temps une forme de réflexe de survie qui POUSSE l’animal à une forme de motivation extrême, qui en résultera potentiellement par la rencontre/découverte d’une quelconque réponse qui amène en bout de ligne, la paix, et la complétion du deuil.

Cependant, dans les toutes premières heures du traumatisme, bien que l’esprit n’en soit pas encore à rationaliser ce processus, surgissent tout de même les premiers éclairs de lucidité qui transcendent la douleur, et commencent déjà à projeter une lumière sur l’avenir qui se dessinera.

Tout en profondeur, arrimé à l’essence même de notre humanité, tels des fleurs du désert qui auraient attendues la pluie 100 ans avant de s’offrir au monde, surgissent des émotions éclatantes et limpides, qui jamais ne s’étaient manifestées ainsi, vous exposant à vous-mêmes vos propres valeurs et croyances affichées. Et ce sont peut-être justement ces valeurs inconscientes qui vous éviterons de trop vous perdre au fond de la tristesse et du désespoir de l’injustice. 

APEX : Je crois que tout au fond, tout au fond du puit de souffrance, dans l’œil du constat et de l’acceptation du fait, se trouvait une forme d’impulsion vers le haut.

Une impulsion de soutien envers les autres.

Car soudainement, au-delà de ma propre souffrance, je me retrouvais bien sans le vouloir au centre en quelque sorte, du pôle d’information, et du pôle émotionnel naturel vers qui les gens se tournaient pour exprimer leur chagrin et leurs condoléances.

Bien qu’ayant une famille lointaine, Jun n’en parlait que rarement et je suis probablement le visage avec lequel les gens associent le plus Junior quand ils pensent «au chum de Junior», de même qu’ils pensent aussi immédiatement à son meilleur ami Philippe, quand ils pensent «Junior & complices.» Ce garçon, être complexe et d’une intelligence rare, était entré dans nos vie à Junior et moi à l’été 2007, et il en a changé nos vie profondément à jamais. Phil fut aussi un de mes meilleurs amis pendant une période, la période la plus heureuse de ma vie.

J’ai pour ma part «adopté» et intégré Jun au sein de ma propre famille dès noël 2006, le faisant membre à part entière accepté par tous au lac St-jean. Ici à Montréal, nous avons été des figures publiques du village pendant des années avant notre séparation, et par le fait, avons enflammé les planchers de danse des centaines et centaines de nuits dans les boîtes de Montréal au fil des ans.

Par notre amour nous avons rayonnés et érotisé bien des partys.

Et malgré moi, il me revenait maintenant en partie d’annoncer la mauvaise nouvelle, et d’expliquer encore et encore aux gens ce qui s’était produite.

Chaque ami, connaissance est en droit d’apprendre ce qui s’est produit.

J’allais découvrir au cours des prochains jours l’émergence de tout un mécanisme profondément enfoui en nous, qui réfère à ce qui il y a de plus humaine, propulsé par la souffrance, au cœur des émotions vraies, sans ego, sans façade.

Et c’est ainsi que étonnamment, la mort de Junior allait me transformer profondément au cours des prochains jours, en me faisant rencontrer la plus belle humanité que je n’ai jamais vu jusqu’alors dans ma vie.

Mais d’ici à ce que les leçons prennent forme, mon âme en entier criait la perte de son âme sœur.

J’ai encore une fois pleuré plus de larmes que je ne croyais jamais pouvoir en contenir. Cette seconde nuit fut pour moi, en considérant le nouvel environnement, un nouveau lit, des émotions foudroyantes et le constat progressif de cette réalité qui s’imposait, totalement irréelle.

Ayant les émotions plus qu’à vif, j’ai ressenti encore près de moi très très fort la présence de Junior. Il ne me quittait pas en fait. Je regardais vers le ciel et aurais voulu m’y noyer pour ne plus penser…

Junior, mon amour. mais que s’est-il passé ? 

Retrouvez toute l’histoire de Junior dans la catégorie Junior & Chris Love Story au lien suivant : https://lesparolesdechris.ca/category/junior-chris-love-story-2005-2015/

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notes de rédaction pour l’auteur : MOD 7 DEC 17

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